Quel plaisir de comprendre, de mieux appréhender les choses qui nous entourent et les évènements qui nous touchent… Nos apprentissages seront autant de ressources pour faire face à l’avenir.
Pourtant dans beaucoup d’esprit se former, adopter une posture d’apprenant, reste difficile voire douloureux. Le souvenir de notre formation en tant qu’enfant ravive parfois des moments difficiles, souvent solitaires, qui pouvaient rimer aussi bien avec récompense mais aussi parfois échec ou humiliation. L’apprentissage devient fardeau, obligation dans lequel le plaisir s’éloigne. Renvoyer les personnes adultes en posture d’apprenant, les ramène souvent à leurs expériences bonnes ou mauvaises mais rarement à des souvenirs heureux et plaisants. Beaucoup ont perdu cette joie d’apprendre, cette jubilation de découvrir que nous avions dans notre petite enfance face à la nouveauté, en expérimentant de nouvelles compétences qui nous offraient une autre perspective sur le monde.
Malheureusement, notre modèle d’éducation aujourd’hui a si peu évolué que, le plus souvent, l’apprentissage reste synonyme de contrainte et d’obligation pour nos enfants. Certains enseignants ont compris l’enjeu de modifier leurs méthodes pédagogiques et peuvent arriver à encourager et créer de l’appétence à apprendre. Cependant la modeste expérience que j’en ai montre que ces professeurs sont encore marginaux, et le système d’éducation dans notre enseignement ne favorise pas le désir d’apprendre tout au long de la vie.
Dans les entreprises, cette nécessité d’apprentissage continu est pourtant une ritournelle que nous entendons beaucoup. Pour assurer sa pérennité, l’entreprise a bien évidemment besoin de collaborateurs formés, qui adaptent continuellement leurs connaissances, leurs compétences pour répondre au mieux aux besoins de leurs clients. Pour les individus, la formation apparaît également comme un impératif pour assurer sa propre « employabilité ». D’où obligation de plan de formation pour chacun, mise en place de dispositifs complexes de financement pour contraindre à la formation… La formation devient passage obligé par la loi, levier de performance pour les organisations, injonction à l’emploi pour les individus…. Quand la technocratie semble nous faire oublier les personnes…. Nous sommes bien loin du plaisir et de l’appétence à apprendre, à découvrir, et à se développer par soi-même pour dessiner son propre chemin de vie.
Bien sûr, la formation continue a beaucoup évolué avec un souci de la pédagogie aiguisé dans beaucoup d’organismes de formation. Je peux en témoigner en tant qu’ancienne dirigeante de l’Académie Accor, où nous étions toujours en quête de mieux faire pour que les formations soient attrayantes, ludiques, efficaces, où nous soignions particulièrement l’accueil des apprenants pour qu’ils goûtent au plaisir d’apprendre. Aidé par les nouvelles technologies, nous avons testé d’innombrables façon de transmettre de la connaissance, des savoir-faire et des savoir-être afin que les apprenants puissent les mettre en œuvre dans leurs métiers. Lors de ma récente visite au salon Learning Technologies, j’ai bien vu l’effort incontestable des prestataires à proposer des formations individualisées en fonction du niveau des personnes, immersives pour être au plus près de leur réalité, ludiques pour y trouver du plaisir…. La formation continue a beaucoup évolué ces dernières années.
Malgré tous les efforts que nous pouvions consentir, j’ai cependant toujours cultivé une certaine frustration face au caractère le plus souvent obligatoire de la formation pour les individus ; ceux-ci se formaient sur instruction de leurs managers mais sans réelle motivation ou envie et se retrouvaient parfois dans des formations éloignées de leurs besoins et de leurs appétences. Par ailleurs, nos formations, quelle que soit leur qualité pédagogique créaient souvent un engouement qui retombait une fois de retour sur le terrain. La réalité opérationnelle ne leur permettait pas de mettre en œuvre les notions apprises. Maintes fois ce sujet fut mis sur la table, et diverses solutions imaginées et testées : systèmes d’ancrage, implication plus forte de leurs managers avant et surtout après la formation…. Mais je reste dubitative quant à leur efficacité réelle.
En 2018, pourtant une collaboratrice m’ouvrit les yeux en me disant avec émotion, alors qu’elle quittait l’entreprise : « tu sais, Constance, ces 3 dernières années j’ai plus appris que dans les 25 précédentes ». Au-delà du sentiment de fierté que j’éprouvais alors, elle m’indiquait que notre façon de fonctionner, en équipe depuis 3 ans avait permis des apprentissages comme jamais.
Mais comment cette équipe avait su créer les conditions d’apprentissage permettant à chacun de se développer comme rarement ?
En 3 ans en effet, en optant pour un mode de fonctionnement collaboratif et basé sur la confiance, l’équipe avait su créé un espace inédit où l’apprentissage était une réalité et redevenu un plaisir.
Concrètement, nous avons su créer un climat pour apprendre remarquable entre nous. Chacun(e) pouvait sans crainte dévoiler ses zones de vulnérabilité, son besoin d’apprendre, tout en s’appuyant sur le support du collectif. Ce climat a permis à beaucoup d’oser, de tester, de passer à l’action et d’apprendre de ses succès et de ses erreurs sans crainte de représailles ou de sanction.
Nous avons aussi appris dans le réel : il ne s’agissait pas de « cas théoriques » mais de projets, d’actions ayant un impact direct sur l’activité de l’Académie. Chacun(e) étant investi(e) de la confiance du collectif, démontrait dans cette période un souci de bien faire inégalé, qui nous a permis de briller auprès de nos clients tant par notre capacité à nous renouveler que par notre niveau de service retrouvé.
Pendant cette période, chacun(e) a élargi son champ de compétences, en puisant au sein de l’équipe grâce aux partages informels ou formels permettant une circulation et une transmission inédite de connaissances. Nous avons aussi appris en mêlant travail sur des projets divers, sessions de partage sur des domaines spécifiques, mais aussi en créant les occasions pour tester une nouvelle connaissance/ compétence avec le support de l’équipe.
Les apprentissages ne furent pas d’une même intensité pour tous, chacun dans son parcours de vie démontrant une appétence plus ou moins importante à découvrir et intégrer de nouvelles compétences. Certains talents se sont révélés dans des champs de compétences qui n’étaient pas directement ceux en lien avec leur métier initial. Pour d’autres, ce fut plus modeste, mais la progression fut réelle. Chacun a appris, à son rythme et en fonction de sa motivation intrinsèque, retrouvant ainsi le plaisir et la fierté d’être allé un pas plus loin dans son parcours personnel.
Peter Senge, à l’origine du concept d’organisation apprenante, écrit lui-même qu’apprendre en équipe est une des 5 disciplines qu’il convient de maîtriser pour devenir une organisation apprenante. Et si les équipes devenaient toutes des lieux où l’on apprend avec plaisir, où l’on découvre sans crainte, où l’on puisse tester et essayer en confiance ?
A mes yeux, l’équipe peut devenir un vecteur inégalé pour retrouver le plaisir d’apprendre. En créant un environnement sécurisant basé sur la confiance, quand elle encourage la prise d’initiative, quand elle intègre des rituels d’amélioration continue, l’équipe permet l’épanouissement des intelligences collectives et individuelles.
Dans ces conditions, l’équipe n’est plus seulement un lieu de performance, elle devient le creuset du développement de chacun.